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Méditation au musée: redécouvrir l'art autrement.

  • Photo du rédacteur: Estelle Poirier-Vannier
    Estelle Poirier-Vannier
  • 5 sept.
  • 6 min de lecture
Méditation au musée

Photographie Véronique Millet

"De nombreuses études scientifiques ont démontré les effets positifs de la méditation de pleine conscience sur la santé"



Avec Vincent Arseneau, historien de l’art et formateur en méditation pleine conscience, l’expérience change de dimension : on ne se contente plus de voir une œuvre, on la vit.


Dans cet entretien, il nous raconte comment cette pratique transforme la rencontre avec l’art, en ouvrant la voie vers une expérience plus intime, sensible et bienveillante



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Pour commencer, peux-tu nous parler un peu de ton parcours? Comment en es-tu venu à conjuguer l’histoire de l’art et la méditation de pleine conscience? 


Après une carrière en administration et en formation, j’ai décidé, à l’approche de la retraite, de me plonger dans ma passion : l’histoire de l’art. J’ai obtenu une maîtrise, donné des conférences et proposé des découvertes muséales pendant plus de 15 ans.


La pandémie a marqué un tournant pour moi :  en explorant à nouveau la méditation, activité que j’avais pratiqué il y a longtemps, j’ai découvert la pleine conscience, une approche popularisée par le médecin américain Jon Kabatt-Zin. C’est au cours d’une pratique de visualisation, que j’ai découvert les possibilités offertes par la méditation appliquée aux œuvres d’art ou aux visites muséales.


Un matin, lors d’une méditation guidée, une animatrice nous accompagnait, en proposant une visualisation. À la suite de l’exercice pour calmer l’esprit et l’amener dans le corps, la guide a proposé d’imaginer une forêt et d’y marcher lentement. J’ai choisi le tableau de la Joconde de Léonard de Vinci et j’ai orienté mon esprit dans le paysage au loin. J’ai poursuivi l’exercice en me tournant et en observant, depuis mon point de vue imaginaire, une dame assise de dos dans l’embrasure d’une fenêtre, d’un palais de la Renaissance.


J’ai compris rapidement que l’on pouvait méditer à partir d’œuvres d’art. En cherchant, j’ai découvert que plusieurs musées en France, aux États-Unis et, un peu moins, au Québec, proposaient cette pratique, soit par l’intermédiaire du yoga ou de la méditation. Certains artistes québécois comme Sylvie Cotton, Massimo Guerrera ou Emmanuel Laflamme s’y intéressent aussi. Plusieurs livres existent sur le sujet. 


Depuis, j’ai posé deux gestes importants : j’ai appliqué jour après jour la méditation dans les œuvres de Michelot (une centaine d'œuvres à méditer) et j’ai complété un cours de professeur de méditation.



"Il est important de bien distinguer ici méditation et médiation."




Qu’est-ce que la méditation avec l’art? Comment se déroule concrètement une séance et quel est ton rôle comme médiateur?


Cette pratique millénaire, souvent appelée  mindfulness en anglais, tire ses racines dans les traditions bouddhistes


Elle repose sur quatre principes clés :

  • L'attention au moment présent : observer ce qui se passe ici et maintenant, sans se laisser distraire par les pensées concernant le passé ou le futur.

  • Le non-jugement : accueillir ses expériences, pensées et émotions sans émettre de jugement, qu'elles soient agréables ou désagréables.

  • L’acceptation : accepter les choses telles qu'elles sont, sans chercher à les modifier ou à les contrôler.

  • La bienveillance : cultiver une attitude de gentillesse et de compassion envers soi-même et les autres.

Méditation

Photographie Véronique Millet

Il est important de bien distinguer ici méditation et médiation. La médiation, pour l’essentiel, consiste à favoriser le lien entre les œuvres (théâtre, musique, art visuel, etc.) et les publics (jeunes, adultes, familles, etc.). Elle joue un rôle fondamental dans la compréhension des œuvres et leur appropriation par les différents publics.


Il serait possible de faire de la médiation avec la méditation, mais ce n’est pas son objectif. Certains objectifs de la méditation visent l’équilibre, une meilleure connaissance de soi et le mieux-être. Le méditant choisit ses propres objectifs. 


Pour débuter la méditation, on choisit une position : assis, debout ou étendu, les yeux fermés ou ouverts. Le guide invite à faire une pause, à respirer profondément, à observer ou à ressentir sa respiration dans certaines parties du corps.


Ensuite, il s’agit d’amener la personne à ressentir profondément les choses, avec calme et sans jugement. L’exercice vise à passer au-delà de la dichotomie : j’aime/j’aime pas, je suis mal/je suis bien, etc., mais à observer avec attention ce qui se trouve là, en nous, hors de nous, au moment présent, ici et maintenant, dans la pleine conscience : tensions, bruits extérieurs ou intérieurs, sensations sur la peau.


Par la suite, il est proposé une œuvre (in situ, en projection ou en image) à observer.


J’invite alors le participant à observer les formes, en silence, sans les juger. Ensuite, nous observons les couleurs. Quels effets ont les couleurs et les formes sur mon corps? Dans quelle partie de mon corps je saisis le rouge, le bleu, le vert? Quelle forme je donne à une couleur? Qu’est-ce qu’elle révèle à mon sujet? Est-ce qu’elle soulève une émotion? Si oui, laquelle? Est-il possible d’observer cette émotion?


Enfin, quel thème est représenté si nous sommes devant une œuvre figurative? Si nous sommes devant une abstraction, quelles sont les formes qui me touchent le plus? Qu’est-ce qu’elles éveillent en moi?



Qu’est-ce que ce type d’approche change dans la relation à l’œuvre? Quels effets observes-tu chez les participants?


D’après mon expérience avec des femmes immigrantes, des personnes aveugles et des publics adultes, la méditation avec l’art agit souvent à un niveau émotionnel profond.  Des sentiments qu’on croyait oubliés peuvent refaire surface et se révéler à notre conscience. Je ne suis pas thérapeute, mais lorsque cela arrive, j’invite la personne à observer cette émotion afin qu’elle puisse l’accueillir


S’il ne se passe rien, j’invite la personne à constater qu’il ne s’est rien passé et qu’elle n’a pas à se juger. En méditation, la notion de succès ou d’échec n’existe pas. 


La méditation peut aussi changer notre relation à l’art. Pour ma part, j’ai pratiqué cette approche en déambulant dans des expositions, comme celle d’Hiroshige ou de Berthe Weil, ou encore, avec les bonsaïs, au Jardin botanique. Durant ce moment, je n’éprouve pas le besoin de lire les cartels, d’analyser l'œuvre ou de la replacer dans son contexte historique, social ou artistique. Je suis simplement présent, seul avec l’œuvre. L’atmosphère, les conversations feutrés des visiteurs, les bruits et les parfums deviennent partie intégrante de mon expérience. La méditation n’est pas une méthode d’analyse, mais elle la complète richement. Elle peut parfois révéler des aspects essentiels que l’observation analytique ne m’aurait permis de faire.



En quoi cette forme de méditation se distingue-t-elle des approches plus traditionnelles dans les musées? 


De nombreuses études scientifiques ont démontré les effets positifs de la méditation de pleine conscience sur la santé :


  • Réduction du stress : la pleine conscience aide à diminuer les niveaux de cortisol, l'hormone du stress, favorisant ainsi un état de relaxation.

  • Amélioration de la concentration : en entraînant l'esprit à se focaliser sur le moment présent, cette pratique renforce la capacité de concentration et d'attention.

  • Gestion des émotions : la méditation permet de mieux comprendre et réguler ses émotions, réduisant ainsi les risques de dépression et d'anxiété.

  • Amélioration de la qualité du sommeil : en apaisant l’esprit, elle favorise un sommeil plus profond et récupérateur.

  • Renforcement du système immunitaire : certains chercheurs ont trouvé une corrélation entre la pratique de la pleine conscience et une meilleure réponse immunitaire.


L’art aussi a un effet sur le corps et sur l’esprit. Depuis quelques années, des médecins prescrivent à des patients souffrant de troubles mentaux ou dépressifs, des visites au musée. On reconnaît le lien entre l’art et la santé. À Montréal, une étude est menée conjointement entre  l’Université Concordia et le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) pour approfondir cette relation. Le MBAM propose d’ailleurs un programme d’art thérapie.


Depuis quelques mois, je réfléchis à cette relation entre l’art et la thérapie, un sujet qui, jusqu’ici ne m'attirait pas particulièrement. C’est la méditation qui m’a ouvert cette porte. Je pense à cette idée de Botton et Armstrong : sans souffrance, il n’y aurait pas d’art, ou du moins on en ressentirait moins le besoin. L’art est donc essentiel à notre existence. Comme le disait Nietzsche : « L'art, et rien que l'art, nous avons l'art pour ne point mourir de la vérité ».


Conclusion : Dans cet entretien, Vincent nous a montré que la méditation au musée transforme l’expérience vécue avec une œuvre. Et si votre prochaine visite au musée devenait un moment de pleine conscience?


Merci pour cet échange! Comment rejoindre Vincent?


 
 
 

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